Découvrez l’exposition Confluence de Marie Lorenz et La frontière ne dort jamais de Gaëlle Cognée
« S’il te plaît apporte des choses inconnues.
S’il te plaît reviens chargé de choses nouvelles.
Laisse de très vieilles choses venir dans tes mains.
Laisse ce que tu ignores venir dans tes yeux.
Laisse le sable du désert te durcir les pieds.
Laisse la plante de tes pieds devenir les montagnes.
Laisse les sentiers de tes doigts devenir tes cartes
et les chemins que tu prends les lignes de tes paumes.
Qu’il y ait de la neige profonde dans ton inspiration
et que ton expiration soit le miroitement de la glace.
Puisse ta bouche contenir les formes de mots inconnus.
Puisse-tu sentir l’odeur de mets que tu n’as pas mangés.
Puisse la source d’un fleuve étranger être ton nombril.
Puisse ton âme se retrouver chez elle là où il n’existe pas de maison .»
Les expositions Confluence de Marie Lorenz et La frontière ne dort jamais de Gaëlle Cognée s’intéressent, chacune à sa manière, aux notions de biens et de lieux du commun. À partir d’une observation des relations entre un milieu et les organismes qui le peuplent, les artistes considèrent leurs sujets de recherches comme des compagnes et compagnons de voyage à partir desquel·les il est possible de mouvoir la réalité vers une poétique. Elles adoptent une posture « anthropologique d’observation participante […] où la différence rassemble les êtres dans la mise en commun plutôt que de les diviser en opposant leur identités respectives 3 ». C’est donc en arpentant les territoires, qu’elles produisent de nouvelles narrations telles des artistes-conteuses.
Les deux expositions pointent l’urgence d’une réappropriation sensible et culturelle de sujets qualifiés de polémiques par une approche qui préserve par ailleurs le dissensus qu’ils impliquent. Car les « interprétations [des artistes] sont elles-mêmes des changements réels quand elles transforment les formes de visibilité d’un monde commun et, avec elles, les capacités que les corps quelconques peuvent y exercer sur un paysage nouveau commun». Ainsi, ces biens et lieux du commun constituent autant des sources d’inspiration que des outils à partir desquels réfléchir aux relations complexes et délicates que nous entretenons à nos territoires, nos histoires, nos écosystèmes, notre habitat et à nos semblables.
Adeline Lépine, curatrice des expositions
Extrait de Cahier des expositions n°2 / 2024