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Vernissage
CONFLUENCE & LA FRONTIÈRE NE DORT JAMAIS - ...
21 septembre 2024
21 septembre 2024
21
septembre
5
janvier
Le 19 – CRAC
19 avenue des Alliés 25200 Montbéliard

LA FRONTIÈRE NE DORT JAMAIS

Gaëlle Cognée

« S’il te plaît apporte des choses inconnues.
S’il te plaît reviens chargé de choses nouvelles.
Laisse de très vieilles choses venir dans tes mains.
Laisse ce que tu ignores venir dans tes yeux.
Laisse le sable du désert te durcir les pieds.
Laisse la plante de tes pieds devenir les montagnes.
Laisse les sentiers de tes doigts devenir tes cartes
et les chemins que tu prends les lignes de tes paumes.
Qu’il y ait de la neige profonde dans ton inspiration
et que ton expiration soit le miroitement de la glace.
Puisse ta bouche contenir les formes de mots inconnus.
Puisse-tu sentir l’odeur de mets que tu n’as pas mangés.
Puisse la source d’un fleuve étranger être ton nombril.
Puisse ton âme se retrouver chez elle là où il n’existe pas de maison

Les expositions Confluence de Marie Lorenz et La frontière ne dort jamais de Gaëlle Cognée s’intéressent, chacune à sa manière, aux notions de biens et de lieux du commun. À partir d’une observation des relations entre un milieu et les organismes qui le peuplent, les artistes considèrent leurs sujets de recherches comme des compagnes et compagnons de voyage à partir desquel·les il est possible de mouvoir la réalité vers une poétique. Elles adoptent une posture « anthropologique d’observation participante […] où la différence rassemble les êtres dans la mise en commun plutôt que de les diviser en opposant leur identités respectives 3 ». C’est donc en arpentant les territoires, qu’elles produisent de nouvelles narrations telles des artistes-conteuses.

Les deux expositions pointent l’urgence d’une réappropriation sensible et culturelle de sujets qualifiés de polémiques par une approche qui préserve par ailleurs le dissensus qu’ils impliquent. Car les « interprétations [des artistes] sont elles-mêmes des changements réels quand elles transforment les formes de visibilité d’un monde commun et, avec elles, les capacités que les corps quelconques peuvent y exercer sur un paysage nouveau commun». Ainsi, ces biens et lieux du commun constituent autant des sources d’inspiration que des outils à partir desquels réfléchir aux relations complexes et délicates que nous entretenons à nos territoires, nos histoires, nos écosystèmes, notre habitat et à nos semblables.
Adeline Lépine, curatrice des expositions
Extrait de Cahier des expositions n°2 / 2024

 

Les possibilités issues de la rencontre entre des récits existants et fantasmés constituent également le socle des œuvres de Gaëlle Cognée. L’artiste commence à exposer en 2009 avec le collectif Plafond qui crée in situ et pense la transmission de sa pratique. Depuis, son travail personnel (vidéo, photo, écriture, performance) se nourrit également des lieux de ses recherches et les œuvres nouent, selon des principes d’assemblage, leurs histoires avec l’Histoire.

En 2015 elle réalise la performance a Concrete Hotel au C.O.D de Tirana en Albanie dont la trace est une vidéo. Il s’agit d’une conférence se déroulant dans un lieu du pouvoir politique de la ville. A partir de son expérience de Tirana, Gaëlle Cognée prolonge une autre conférence célèbre de l’histoire de l’art, celle de l’artiste américain Robert Smithson. En 1969, celui-ci intervient à l’Université d’Utah à propos d’un voyage réalisé au Mexique au Yucatá. Contre toutes attentes l’artiste n’y aborde pas sa découverte des constructions Maya, mais partage ses observations à propos d’un bâtiment, l’hôtel Palenque. Architecture anonyme, il a la particularité d’être organisé autour de formes sinueuses 13, sans centre, et d’évoluer selon des principes paradoxaux. À la fois en ruines et en construction perpétuelle, le site est tout aussi significatif pour Smithson d’une « dés-architecturisation » entropique 14 que d’une histoire culturelle locale de l’architecture. À travers la construction du récit d’un lieu fictif, le « concrete hotel », Gaëlle Cognée propose à son tour une lecture subjective d’un environnement qu’elle a arpenté pendant quatre mois.

Ce processus s’applique chez Gaëlle Cognée à des sujets très divers. Ainsi, en s’installant en Côte d’Or, l’artiste retrouve une figure omniprésente de son enfance, celle de Jeanne d’Arc, seule représentation statuaire de son village. Dans cette nouvelle géographie, c’est un château qui a accueilli le tournage du film de Jacques Rivette qui rappelle Jeanne à ses souvenirs. Elle lit alors le Jeanne Darc de Nathalie Quintane, qui explore le rapport au travail, au corps et au vêtement de la figure historique 15 et elle s’attèle à son tour à en explorer les versants contemporains. Jeanne, déployée, sans emploi est la signature apposée aux petites annonces disséminées dans le territoire rural du Montbardois durant l’hiver 2019, appelant des femmes à témoigner de leur rapport au travail. A l’issue d’une résidence-enquête de six mois, portée avec la MJC André Malraux, la signature devient le titre d’un livre, lui-même objet hybride composés de matériaux hétéroclites, de la poésie à des documents statistiques en passant par des morceaux de paroles et de non-dits.
Cette recherche artistique, sociologique, poétique et anthropologique se prolonge en 2022 avec la réalisation de l’Étendue de Jeanne en son territoire propre. Car « Jeanne porte – à son insu – des idéaux nationaux, bellicistes […] et religieux et désormais, pour l’enlever à un parti en ayant fait son étendard, le féminisme la revendique comme une femme ayant refusé le rôle de mère et d’épouse, une femme libre 16». Impliquant les créations de l’artiste Marie Bette, une classe d’hôtellerie-restauration 17, une ethnomusicologue Blanche Lacoste et la comédienne Itto Mehdaoui, cette vidéo tente d’extraire des morceaux de l’Histoire pour en proposer une version non linéaire. Jeanne y construit son propre récit, depuis un geste émancipatoire et politique issu de sa connaissance du monde. Elle y « parle et agit presque comme on l’attendait 18».

« Jeanne ne surveille pas ses moutons de la même façon après être passée par la Rue aux loups. (…) Sur le bord du chemin, il y a une grosse pierre érigée en monument discret ; on lui a dit qu’il marquait le passage du dernier loup. Jeanne se demande à quel moment on a décidé que c’était le dernier loup. Elle pense qu’en fait si l’on marque le passage du dernier loup, il n’y en aura pas d’autre, et que c’est ainsi qu’on borne un récit 19. »

À force de récits, Jeanne s’est transformée en légende, en figure hybride que l’artiste met en dialogue dans l’exposition avec celle du loup. Depuis la borne du « dernier loup » de son village, elle parcourt ainsi les récits politiques, populaires et médiatiques régionaux en lien avec l’animal, des forêts du Morvan à la rue de la beuse aux loups 20 à Montbéliard. Il ne s’agit pas de le « capturer », mais de cartographier ses traces dans les affects et les lieux. À l’hiver 2023, elle se lie à un groupe de construction de savoirs, rattaché à la coopérative des savoirs du Morvan. Il réunit, sur une initiative citoyenne, des personnes d’horizons différents, qui souhaitent partager et construire de la connaissance sur l’animal qui est de retour dans la région depuis 2017 après en avoir disparu au XIXe siècle. La vidéo, GROUPE LOUP, restitue la dernière réunion du collectif en juin 2024 et revient sur une expérience publique qui s’est déroulée un mois auparavant à la Maison du Patrimoine Oral. S’y entrelacent les ressentis subjectifs, les faits, la reformulation de paroles de représentant·es d’associations des milieux écologistes, agricoles ou de la chasse. Le seul témoin de ces récits en huit-clos est un chien, cousin docile, issu de l’élevage, du loup. La situation offre un contrepoint contemporain 21 aux procès d’antan, lieux de théâtralisation d’une justice faussée par la culture religieuse et philosophique de l’époque et menée par les entités autoritaires garantes de la « civilisation » face à l’état de nature. Avec sa dispersion, la borne du récit du loup s’était suspendue.
Depuis qu’il est réapparu, les histoires reprennent. Mais que racontent-elles désormais ?
Qu’il s’agisse du loup, de la sorcière ou de l’eau, CONFLUENCE et LA FRONTIÈRE NE DORT JAMAIS traitent de nos rapports au « non-humain », à des sujets dont la « sauvagerie » est lue à travers leurs capacités de métamorphoses qui viennent bousculer le pouvoir établi et « l’ordre des choses ». Les pratiques des deux artistes créent des espaces d’accueil de questions sociopolitiques contemporaines et du dissensus qu’elles produisent en incorporant leur capacité à dépasser les bornes, à les déplacer et en créer de nouvelles.

Adeline Lépine
Curatrice des expositions

 

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