Un homme qui dort, tient en cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des mondes (…) mais leurs rangs peuvent se mêler, se rompre. Que vers le matin après quelque insomnie, le sommeil
le prenne en train de lire, (…) il suffit de son bras soulevé pour arrêter et faire reculer le soleil (…).
Que s’il s’assoupit dans une position encore plus déplacée et divergente, par exemple après dîner assis dans un fauteuil, alors le bouleversement sera complet dans les mondes désorbités, le fauteuil magique le fera voyager à toute vitesse dans le
temps et dans l’espace.
Marcel Proust, À la recherche du temps perdu.
Depuis les années 1990, Laurent Goldring interroge la représentation à partir de celle du corps.
Il s’emploie à révéler la façon dont l’image (photographie, film ou vidéo) détermine la perception que nous en avons. Dans ses boucles vidéo et dans ses photographies, il donne à voir des corps méconnus ou refoulés, des corps tels que nous ne les voyons jamais, sinon dans les peintures d’un Bacon ou d’un Picasso. Mais des corps sans doute plus « vrais », plus « ressemblants » que bien des représentations codées du monde de l’art. Ainsi « la question posée par Goldring est double : elle s’adresse à la fois au corps, comme construction anatomique et culturelle illusoire, et également à l’image » et à son pouvoir de
prescription sur les corps.
L’exposition de Laurent Goldring présentée par le Frac Franche-Comté rassemble, aux côtés de vidéos et d’œuvres inédites, deux installations majeures : Cesser d’être un (2020) a été acquise par le Frac en 2021 et montrée une première fois au sein de l’exposition Dancing Machines
(Besançon, 2020) et Le Terrier. Deux impressionnantes sculptures où le corps génère son espace particulier, un espace humanisé et qui se révèle le prolongement du corps lui-même. Ce sont au
choix des sculptures ou des scènes.
Laurent Goldring, Cesser d’être un, 2020. Collection Frac Franche-Comté © Laurent Goldring. Photo : Blaise Adilon