En ces temps troublés, Thierry Moyne entend restaurer notre filiation terrestre*. Par la fusion intime de la matière et du peintre, il poursuit sa quête de l’énergie créatrice originelle ; loin des mots et sans le filtre du vocabulaire, il sonde par un trait animé de vie les harmonies entre le visible et l’invisible.

La pratique quotidienne du taï chi chuan et du qi gong ancre Thierry Moyne dans un investissement corporel entier. Liant l’esprit et le corps, il se reconnaît dans la pensée chinoise incarnée en occident par des artistes tel que Zao Wu Ki, Fabienne Verdier ou François Cheng, et dans l’exigence d’une relation terrestre à son environnement, comme l’exprime Frans Krajcberg dans le courant artistique du Naturalisme intégral ou encore le philosophe Bruno Latour dans ""Où suis-je ? ""*.

La singularité de ce travail est la recherche continuelle du médium qui va servir au plus juste son expression artistique. L’utilisation des marnes du Lias et du Trias du Jura (entre 110 et 240 millions d’années d’histoire géologique) récoltées, puis mélangées avec de l’eau de rivière ou du vin issu de ces terroirs, l’emploi exclusif de liants naturels (œuf, caséine, chaux, gomme arabique) vont conférer à sa production un grain particulier et des couleurs inédites.
L’encre de Chine et les outils du calligraphe lui permettent un geste incarné qui cisèle au plus près la matière. Une efficacité pour aller à l’essentiel, un trait, une ligne qui porte l’œuvre et équilibre parfaitement les autres éléments de la composition.

Lorsque que l’on s’attarde devant une peinture de Thierry Moyne, au-delà de l’eurythmie du geste, le regard se perd dans les profondeurs de la matière, la relation à la peinture devient physique. Terrestre.

* Terrestre : concept développé par le philosophe Bruno Latour dans son ouvrage Où suis-je ? (La Découverte, 2021), qui distingue terrestre de

terrien